Rougegorge familier (Erithacus rubecula)(c) Nicolás Tamargo, no rights reserved (CC0)

Géroudet

Les qualités de douceur et de musicalité du chant ne laissent guère supposer sa véritable signification belliqueuse. Dès l’aube, dans le bois encore dénudé de mars, dans les feuillages frais d’avril, ou dans les taillis humides et jaunis d’octobre, l’oiseau déverse ses phrases liquides, et l’on dirait qu’il improvise pour lui-même, qu’il épanche précieusement sa mélancolie : quelle erreur ! Les motifs sont brefs, mais d’une extrême variété, gazouillés sur une tonalité si aiguë que bien des sons doivent échapper à notre oreille. Certains semblent sortir avec peine de son gosier, comme forcés ; puis c’est une mélodie délicate et perlée qui tombe en cascade, des sifflements étirés ou susurrés, des modulations en demi-teinte... Dans l’ensemble, c’est un récitatif intime, sans grande sonorité, sans ordre, sans mélodie typique, mais d’un charme fin et discret. Quel délice de l’écouter au crépuscule du soir, quand la fraîcheur acide monte de la terre et que de toutes parts les Rougegorges exhalent leurs strophes confuses ou cristallines dans la forêt qui s’endort !
Les plus beaux chants retentissent au premier printemps, à l’apogée des disputes territoriales et des accouplements. Un fléchissement temporaire, presque le silence, se produit quand il y a des petits au nid. Les Rougegorges se taisent en juillet - plus ou moins tard selon l’altitude - et ne chantent guère en août. Ils recommencent au début de septembre et jusqu’à mi-novembre ; le chant est assez rare en décembre, déjà plus fréquent en janvier chez les hivernants, et par les journées douces. La vraie reprise débute à mi-février, puis l’arrivée des estivants ouvre la période intense de mars et d’avril. Les mœurs volontiers crépusculaires de ces oiseaux sont marquées par l’activité vocale plus forte du matin et du soir ; on les entend parfois pendant les nuits de lune.
Quand les jeunes sortent du nid, le mâle chante fréquemment, ce qui leur permet d’apprendre le chant typique de l’espèce. La puissance de leurs émissions vocales est bien plus faible que celle de l’adulte et leurs phrases sont plus longues. En été, la période d’arrêt du chant correspond à celle de la mue. Dans les quartiers d’hiver méditerranéens, le Rougegorge chante avec plus ou moins d’intensité, sauf s’il gèle (M.C.).
Le cri le plus fréquent est ce tic tic sec et dur, que l’oiseau répète vivement lorsqu’il est inquiet ou se prépare à la nuit : huit-tic-tictictic… Au moment des nids, il émet un tsii allongé et fin qui peut devenir un tsissip (d’alarme probablement), et un soufflement explosif dans le danger ou au cours d’une attaque ; les jeunes, hors du nid réclament avec des tchrik pareils à ceux des merles.